Forum 2013 : Origine, diversité, territoires


Formuler des réponses adaptées à un ensemble de changements globaux (écologiques, sociaux, économiques et culturels) interdépendants et dont les impacts se ressentent à différents niveaux est, sans doute, une préoccupation centrale de nos sociétés modernes. Dans un contexte en évolution rapide, les stratégies de préservation et de valorisation des ressources et diversités locales mobilisent les capacités d’adaptation de systèmes socio-écologiques complexes, et agissent pour catalyser les facteurs de développement endogènes étant ainsi des outils de réduction de la pauvreté. Ces stratégies, qui se matérialisent par exemple par l’Indication Géographique ou la marque territoriale, offrent de réelles opportunités de développement fondées sur la valorisation de produits et services qui se distinguent par une qualité spécifique. Parfois liés entre eux, ces produits et services d’un territoire forment alors un « panier de biens et services » territorialisé.

La mobilisation autour de la qualité liée à l’origine a connu un développement important ces dernières années. Cette mobilisation est liée d’une part à la prise de conscience de l’importance des ressources locales, des points de vue économiques et patrimoniaux, et d’autre part à l’engagement des ressources et la mobilisation d’expertise de la part de plusieurs acteurs de la coopération et du développement.

Ce premier séminaire d’échange entre un ensemble d’acteurs associés à ces dynamiques depuis différents horizons (acteurs locaux, chercheurs, preneurs de décisions et autorités locales, etc.), fut l’occasion d’analyser et de questionner les processus qui allient la préservation et la valorisation des diversités locales avec des approches sectorielles et/ou territoriales.

Lors de cette première édition du Forum “Origine, Diversité et Territoire” en 2013, plus de 80 personnes de 37 différents pays et de quatre continents étaient présentes. Ont participé : des associations de producteurs et organisations de la société civile, des centres de recherche (CIRAD, INRA, CNRS, Fibl, RIMISP), des organisations internationales (ONUDI, FAO, OAPI, Bioversity International, ITC), des acteurs public (Ministère de l’Agriculture Suisse, INTA Argentine, OFAG), etc. comme le représente les graphiques suivants.

diagrammes FR

Thématiques des ateliers du Forum:

Le Forum a duré trois jours, dont les deux premiers jours furent dédiés à l’organisation de sessions plénières et ateliers de groupes sur les thématiques suivantes :

  • Origine, Diversité & Territoires – Etats des lieux et regards croisés des dynamiques en cours au niveau international
  • Origine, Diversité & Territoires – Regards de différents types d’acteurs
  • La protection et la valorisation des produits de qualité spécifique liée à l’origine
  • Le Panier de biens et services : la valorisation d’un territoire dans sa globalité : enjeux et stratégies pour l’identification et la valorisation des produits, services et aménités
  • La préservation et promotion des ressources et des diversités locales comme facteurs de résilience dans des contextes globaux en pleine mutation ?
  • Le rôle de la gouvernance territoriale et des politiques publiques dans les stratégies de préservation et valorisation des diversités locales et des produits liés à l’origine.
  • Outils méthodologiques et importance de ceux-ci dans la compréhension et l’amélioration continue des nouvelles approches de développement.

Le troisième jour, les participants furent invités à visiter différentes expériences de valorisation de produits de qualité de la région de Genève, Suisse et de Haute Savoie, France. Le programme est disponible sur le site internet du Forum.

Synthèse des discussions et débats

Lors des ateliers de réflexion et des sessions plénières, la question de la pertinence de la valorisation d’un produit phare, dont la qualité est liée à l’origine, comme pivot des dynamiques de développement fut centrale : les avancées mais aussi les limites et impacts négatifs des IG et autres démarches focalisées sur un produit unique ont été largement débattues. Une IG permet à certaines conditions de délimiter une zone, caractériser un produit, des pratiques et de renforcer le lien au terroir. Certains témoignages ont abordé des aspects plus sensibles tels que l’absence de conditions techniques préservant le lien au terroir dans les cahiers des charges, et les tensions entre le développement économique et les pressions sur les ressources naturelles. Des mécanismes de régulation de ces aspects ont été discutés, notamment le rôle des autorités de gestion (les organismes de gestion), de contrôle et de règlementation. L’aspect territorial de ces dynamiques a été mis en avant et l’importance de créer du lien entre produits et services d’un territoire dans son ensemble a été souligné. Les marques territoriales s’inscrivent en tant que réponse à cette préoccupation, et leurs avantages et limites ont également été débattues. La dynamique d’un territoire peut se catalyser autour de la mise en commun de certaines ressources dans les plateformes d’échanges  et de décision créées pour la gestion des marques territoriales. Cependant, dans certains cas, ces initiatives sont très dépendantes de fonds publics et peinent à trouver un modèle durable de financement.

De plus, les débats ont permis de souligner l’importance des réseaux de collaboration et de concertation et plus largement de systèmes de gouvernance territoriale flexibles et sensibles au contexte local pour le développement des stratégies de territoire, et le développement de mécanismes de certifications adaptés. En effet, les gouvernements et les instances locales doivent supporter ces démarches mais aussi veiller à ce que ces démarches soient accessibles aux petits producteurs et ne contribuent pas à renforcer des processus d’exclusion et de banalisation.

Enfin, des débats et partages de bonnes pratiques sur les outils d’identification, de protection, de promotion des biens et services territoriaux, mais aussi sur les outils de suivi et évaluation des dynamiques de développement territorial ont démontré le foisonnement des initiatives en la matière. Ce fut l’occasion d’établir la nécessité de : i) réaliser un inventaire des outils existants (tel que la méthode d’inventaire et l’outil en ligne sur le site du programme Qualité et Origine de la FAO) ; ii) rechercher les synergies entre les outils d’analyse et de promotion de produits de terroir (telle que la méthode d’identification des impacts des IG développé par l’Université de Florence et de l’Institut de la Propriété Intellectuelle Suisse), et les outils qui permettent d’analyser les dynamiques territoriales basées sur la valorisation des diversités bioculturelles, tel que celui développé par la Plateforme Diversités Bioculturelles & Territoires (DB&T) ; iii) développer des outils de mesure d’impacts sur des thématiques telles que l’inclusion sociale, le renforcement des capacités des populations vulnérables ou la préservation des services écosystémiques, destinés à informer les preneurs de décisions.

Conclusions et Résolutions

Sur la base des réflexions des ateliers de groupe, une déclaration a clôturé le Forum, dans l’objectif de participer à une meilleure intégration des processus qui allient valorisation des diversités et le développement local et durable.

Les participants au Forum déclarent au terme de leurs débats que les initiatives prises pour la promotion des diversités biologiques et culturelles, fondées sur la protection et la valorisation des produits dont la qualité est liée à l’origine, doivent unir leurs efforts afin d’atteindre les buts suivants :

  • Création d’une plateforme internet d’échange d’information, d’expériences et d’initiatives, d’outils de diagnostic, de suivi et d’évaluation, etc.
  • Informer les gouvernements des pays en développement et les organismes de la coopération afin de renforcer les capacités et apporter un appui technique aux petits producteurs et communautés locales, pour faciliter l’appropriation et le développement de stratégies de valorisation et de promotion des standards de qualité liée à l’origine
  • Contribuer au renforcement des organisations de producteurs et des acteurs locaux pour que leurs droits soient reconnus par les gouvernements et autorités locales, et qu’ainsi, ils puissent avoir une incidence sur les prises de décisions, et ce, à différents niveaux d’échelle.
  • Lorsque sont développés des outils de valorisation / promotion / certification, appuyer les gouvernements pour qu’ils travaillent en étroite collaboration avec les petits producteurs et qu’ils s’assurent que ces stratégies et outils soient correctement appropriés par les producteurs et adaptés au contexte locale
  • Favoriser et appuyer les producteurs dans la recherche de reconnaissance et de certification de plusieurs produits de leur territoire, générant ainsi des processus d’articulation entre les actifs et les acteurs territoriaux.
  • Approfondir la recherche et capitaliser sur les bonnes pratiques et leçons apprises en matière de promotion de signes distinctifs de qualité et d’origine afin que ces leçons soient intégrées dans les agendas et programmes de la coopération internationale.

Les informations détaillées quant à ces conclusions et résolutions, ainsi que toutes les présentations des différents ateliers, sont disponibles sur le le liens suivants: Contributions

Les participants ont enfin conclu sur l’importance de l’organisation de ce type de Forum afin d’encourager et favoriser : i) l’échange de bonnes pratiques  et le dialogue de savoirs ; ii) l’approfondissement des connaissances et la visibilité des différentes recherches ; iii) la consolidation d’alliances qui permettent de générer et d’articuler un nombre important d’expériences et d’acteurs ; iv) la construction d’un discours qui renforce les processus d’incidence sur les espaces de prise de décision.